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Spéciale Salon du Livre : Entretien avec Juan Marsé

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Quels sont vos plus anciens souvenirs de Barcelone?

 

Un de mes premiers souvenirs est la Barcelone bombardée par les avions italiens en février 1938, quand j'avais cinq ans. Je me rappelle d'une nuit à dormir dans un refuge, et d'une autre dans une station du métro Fontana. Après, ce sont des souvenirs de la plage de la Barceloneta, du port et du parc Güell. J'ai aussi un vif souvenir des troupes franquistes entrant dans Barcelone, en janvier 1939. Les images de mon adolescence dans le quartier sont présentes dans presque tous mes romans. De vieux bistrots, des cinémas populaires chauffés au poêle, des bals du dimanche, des enfants jouant dans les rues... Une Barcelone grise, effrayante.

 

juan marsé


Quel quartier vous est le plus cher?

 

La partie la plus haute du district de Gracia, un quartier appelé La Salud, près du parc Güell, avec en fond le Monte Carmelo. C’était un quartier populaire, de la basse classe moyenne. Ça c'est mon territoire, c'est là que j'ai été à l'école et c'est là que j'ai commencé à travailler à treize ans; là que j'ai reçu mon éducation civique, professionnelle et sentimentale, et que j'ai commencé à écrire. C’est là que je suis devenu adulte. Mes parents ont vécu dans le quartier de La Salud jusqu'à la fin, dans ses rues alors non goudronnées, avec le parc Güell aujourd'hui envahi par les touristes. Ce lieu est le théâtre privilégié de mes aventures enfantines.

 

Le quartier a beaucoup changé?

 

Il a changé, mais pas autant que d'autres enclaves de la ville, comme le quartier chinois, aujourd'hui appelé El Raval, ou la Barceloneta, ou les alentours de Montjuic. Ca a l'air plus propre, bien sûr, et on y vit de façon plus bruyante, rapide et nocturne, mais ça reste sur plusieurs points l'ancienne Villa de Gracia, un conglomérat urbain collé à la grande ville. L'automobile et la télévision dans les foyers ont cependant changé les habitudes d'antan - les discussions aux portes des maisons en prenant le frais de la nuit, les fêtes dans les rues, les enfants jouant dans le ruisseau...

 

Jeune adulte, vous avez séjourné à Paris. C’était au début des années 60…

 

Je garde de très bons souvenirs de mon séjour à Paris. Je vivais rue du Pont-Neuf, face aux Halles, et tous les jours je prenais le métro à Châtelet pour aller travailler à l'Institut Pasteur. Avec mes amis, je fréquentais les cafés du Quartier latin, la librairie espagnole de la rue de Seine, la maison d'édition de Pepe Martínez et le foyer de Jean Cassou qui, quand je suis arrivé à Paris, m'a beaucoup aidé. J'ai donné des cours d'espagnol, cours de conversation plutôt, à la fille du pianiste Robert Casadessus et à un groupe d'amies à elle, et aussi à Pierre Emmanuel. Et j’ai donc travaillé à l'Institut Pasteur comme laborantin, mais sans prétendre évidemment faire une carrière scientifique. J'ai aussi travaillé comme traducteur de scénarios de films du français vers l'espagnol, l’un pour un film du réalisateur George Lampin avec Louis Jourdan et Bernard Blier, l’autre pour un film avec mon ami Maurice Ronet et Anna Karina. Finalement, un peu de tout, et le plus important: j'ai beaucoup lu et j'ai vu beaucoup de films car en Espagne, à cette époque, on ne pouvait pas en voir. Surtout, j'ai été heureux.

 

juan marsé


Barcelone est-elle selon vous une ville littéraire, au même titre que Dublin ou Trieste?  

 

Bon, nous n'avons pas eu de roman aussi représentatif et acclamé, et de si grande signification littéraire que celle de Joyce ou de Svevo, mais plusieurs de nos écrivains ont laissés de précieux témoignages littéraires de Barcelone. Parmi eux Josep Pla, Mercé Rodareda, Joan Sales, Josep Ma de Sagarra, pour ne citer que quelques auteurs en catalan. Et en castillan, Enrique Vila-Matas, Eduardo Mendoza, Manuel Vázquez Mantalbán, Francisco Casavella et plusieurs autres. À l'évidence, nous n'avons pas «Ulysse», livre d'une grande importance linguistique et poétique, mais il pourrait surgir à n'importe quel moment, qui sait!

 

Comment se déroule une journée de Juan Marsé à Barcelone?

 

Je me lève à huit heures et je sors me promener une demi-heure ou un peu plus, j'achète deux journaux que je feuillette brièvement pendant que je petit-déjeune à la maison, ensuite j'écris jusqu'à quatorze heures ou quatorze heures trente. L'après-midi je corrige ou je lis, ou je regarde un film en DVD, généralement des années trente ou quarante, ou je vois un ami à la maison ou dehors, avec un whisky prescrit par mon médecin. Comme vous voyez, cela à peu d'intérêt. Bien évidemment il y a les engagements sociaux inévitables, les rendez-vous professionnels, ou les recherches d'informations sur ce que j'écris, etc. Mais, en général, si je peux rester à la maison à écrire, c'est pour moi l'idéal.

 

(Traduction Lisa Garcia)


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